dimanche 23 décembre 2018

Réminiscences Lovecraftiennes partie 1: Mass Effect

Note: Cet article contient des spoilers majeurs sur tous les jeux Mass-Effect. Il sera peut-être difficile, pour ceux qui n'ont pas fait les jeux, de saisir toutes les références. Je m'efforcerai, cependant, de demeurer le plus clair et accessible possible, bonne lecture.

Bonjour à tous ! Nous nous retrouvons aujourd'hui pour le premier article d'une (longue ?) série consacrée, comme son nom l'indique, aux nombreuses "réminiscences" issues de l'univers de Lovecraft, dans divers médias. Le terme "réminiscence", dans sa définition courante, renvoie à de vagues souvenirs, ou à un emprunt inconscient motivé par une certaine influence - on peut par exemple trouver chez un auteur des éléments renvoyant à un autre auteur, bien souvent un prédécesseur. Ce qui caractérise la réminiscence, c'est qu'elle n'est pas forcément avouée ou apparente au premier plan, il faut bien souvent la déceler. Ainsi, étudier le jeu vidéo Call of Cthulhu sorti récemment sous l'angle de la réminiscence ne sera pas cohérent, car le jeu se présente comme une adaptation directe de l'univers de Lovecraft (à travers le jeu de rôle papier certes). 

Aujourd'hui, il est impossible de ne pas remarquer l'influence de Lovecraft sur de nombreux aspects non pas de notre culture, mais plutôt de nos cultures. Ce cher Cthulhu semble avoir particulièrement la côte, alors que dans la hiérarchie des grands anciens, il n'est finalement qu'une sorte de prêtre envoyé par les anciens, extrêmement puissant certes, mais comparé à Azathoth ou Yog-Sothoth, c'est un petit joueur. Néanmoins, son impact culturel est indéniable, et nous tacherons de le déceler là où il n'est pas forcément évident, et là où il pourrait renvoyer à la pensée artistique globale de l'écrivain H.P. Lovecraft, car il est bien plus qu'un amateur de mollusques cosmiques. Cher lecteur ou chère lectrice, installe toi confortablement, nous partons aujourd'hui aux confins de l'univers, là où se joue le destin de toute une galaxie. Sors ta plus belle combinaison N7, ton manuel de drague intergalactique, passe un coup de fil à Garrus, et vérifie la pression du Mako, nous partons pour Mass Effect.

Ah Mass Effect ! Rien que d'écrire le titre me rappelle de nombreux souvenirs. Des souvenirs agréables, comme par exemple les liens tissés avec les membres de mon vaisseaux, les nombreux morceaux de bravoure que la série offre, l'écriture, la musique... mais aussi des souvenirs plus tristes, comme la perte de certains coéquipiers, mais surtout le dénouement de l'aventure, se dire que l'on est arrivé à la fin d'une des plus belles épopées vidéo-ludiques de tous les temps. Mass Effect, c'est énormément de choses, et le cantonner à l'étiquette de jeu-vidéo serait bien insuffisant. Oui, vous l'aurez compris, j'apprécie énormément cette série, si bien que je lui pardonne Mass Effect Andromeda, qui se laisse difficilement approcher, mais qui vaut le détour (rien que pour son gameplay, sans rire, c'est vraiment agréable à jouer). 

Introduction

Bon, j'arrête de digresser, rentrons dans le vif du sujet, nos nombreuses réminiscences Lovecraftiennes !
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Un Moissonneur 
Qu'est-ce-que Mass Effect? Il convient tout d'abord de préciser que nous nous intéresserons dans cet article aux trois premiers jeux, et laisserons Mass Effect Andromeda de côté. Par conséquence, Mass Effect peut se définir grossièrement comme une trilogie de jeux de role à tendance action sortis entre 2007 et 2012 sur Xbox 360, Playstation 3, et PC. Le joueur y incarne le commandant Shepard dans sa routine quotidienne qui consiste à sauver la galaxie d'une ancienne race extra-terrestre, les Moissonneurs, ayant pour objectif de décimer les autres espèces trop évoluées. Le joueur pourra tisser des liens avec les différents membres de son équipage, la fin du jeu dépendant bien souvent de l'investissement du joueur au sein du monde.



Réminiscences primaires

Commençons par ce qui semble le plus évident, à savoir l'insignifiance de l'être humain dans l'immensité de la galaxie. Ceux qui ont lu Lovecraft savent de quoi je parle, les personnages de sa fiction semblent incapables de stopper la marche du destin, qui se traduit bien souvent par la mort ou la folie. Dans Mass-Effet, c'est un peu pareil, l'espèce humaine n'est désormais plus seule, et doit cohabiter avec les autres espèces, qui sont pour certaines plus avancées et plus puissantes, comme les Asari ou les Galariens. Ces espèces étaient, pour certaines là avant les humains, et seront sans doute présentes après leur extinction, ce qui réduit considérablement notre importance au sein de la galaxie. De plus, les humains n'ont pas toujours leur mot à dire, et personne ne vient les aider quand la Terre se fait sauvagement attaquer au début du troisième jeu (la musique de la séquence d'intro omg). Cependant, contrairement aux "héros" de Lovecraft, Shepard (le joueur), peut renverser la tendance, mais peut aussi lamentablement échouer, ainsi vous pouvez notamment mourir à la fin de Mass Effect 2, sans pouvoir recharger votre partie pour le début de Mass Effect 3
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La Terre et l'assaut des moissonneurs, prologue de Mass Effect 3.


Toujours dans cette thématique du héros Lovecraftien, intéressons-nous au début de Mass Effect 2. Pour ceux qui ne l'ont pas fait, il se trouve que Shepard meurt après l'attaque du Normandy par une espèce alors inconnue. Ainsi, Shepard se trouverait incapable de faire face à la vérité que représente cette espèce, les Récolteurs, et en particulier l'évolution alternative qu'ils proposent (ils kidnappent des humains pour les "transformer"). Tout comme un héros de Poe (donc indirectement Lovecraftien), Shepard atteint les limites de la vie, et reviendra après avoir découvert une autre vérité, celle de l'au-delà, qui lui permettra de faire face aux Récolteurs. 

La folie intergalactique

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Saren, le spectre renégat
Comme nous l'avons évoqué précédemment, les narrateurs de Lovecraft ont la fâcheuse habitude de succomber à une certaine forme de folie à la fin de leur récit. Ceci est dû bien souvent au fait qu'ils ne parviennent pas à appréhender ce qu'ils viennent d'apprendre. Nous retrouvons ce thème dans Mass Effect à travers plusieurs exemples. Dans le premier opus, une mission met le joueur au contact d'une colonie plus ou moins "possédée" par une forme de vie végétale, le Thorien, sur laquelle ils menaient des expériences. Au fur et à mesure que la mission progresse, les habitants de la colonie vont progressivement devenir fous, au point de vouloir tuer Shepard et son équipe. Autre exemple, celui des antagonistes des deux premiers opus, Saren et l'homme trouble. Ces deux personnages peuvent s'interpréter comme des images miroirs du commandant Shepard, car ils ont échoué dans leur propre récit Lovecraftien. Je m'explique: Saren est membre des Spectres, c'est un soldat d'élite formé pour protéger le Conseil, l'instance qui gouverne une bonne partie de la galaxie. C'est un soldat prêt à tout pour accomplir sa mission, même s'il doit sacrifier un bon nombre d'innocents.
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L'homme trouble
Cependant, il se trouve incapable de résister quand il rentre en contact avec les Moissonneurs, qui prennent possession de son esprit. L'homme trouble quant à lui est le dirigeant de Cerberus, une organisation pro-humaine qui n’hésite pas à employer des moyens radicaux pour faire passer les intérêts humains avant ceux des autres peuples. Lui aussi, dans sa quête, se fera endoctriner par les moissonneurs et sera incapable de contrer leur emprise. Ces deux personnages partagent de nombreux points communs avec Shepard: c'est aussi un soldat d'élite membre des Spectres, et il peut choisir, comme Saren avant-lui, de faire tout ce qu'il faut pour réussir sa mission. Il peut également faire le choix de mépriser les autres espèces extra-terrestres à travers les possibilités de dialogue, pour mettre les intérêts humains en avant. Ce qui peut sauver (ou non) Shepard, c'est la dimension du joueur qui décide des actions du commandant, et peut le faire dépasser la condition et l’échec de Saren et de l'homme trouble.

Les moissonneurs, le léviathan, l'aspect visuel

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Le Léviathan, créateur des moissonneurs
L'influence de Lovecraft peut se faire ressentir directement dans l'aspect visuel des moissonneurs, qui partagent certaines similitudes avec des calamars géants (si si, vraiment). Cet intérêt pour les mollusques se reflète dans de nombreuses descriptions présentes dans l'oeuvre de Lovecraft. Une des extensions de Mass Effect 3, intitulée "Léviathan", nous emmène précisément dans les profondeurs d'un immense océan, à la rencontre du peuple à l'origine de la création des Moissonneurs. L'aspect très enquête du DLC n'est d'ailleurs pas sans rappeler la structure de la nouvelle L'appel de Cthulhu, qui trouve elle aussi son dénouement dans l'océan, avec la découverte par des marins de l'entrée de R'lyeh, demeure sous-marine de Cthulhu. Shépard est cependant capable de résister mentalement à cette découverte, et saura utiliser ses connaissance dans son combat pour sauver la galaxie.
Les jeux abordent aussi plus largement la thématique universelle du créateur dépassé par sa création, qui accroît l'aspect dévastateur de la connaissance et des avancées scientifiques qu'elle engendre, notamment le début du cycle de la "Moisson", lorsque que les Moissonneurs décident que certaines espèces sont trop évoluées.  On peut considérer cette thématique à travers le prisme lovecraftien, dans le sens où c'est dans la plupart des cas la soif de connaissance des narrateurs qui les conduit à leur perte. 

Conclusion

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Il y aurait sans doute beaucoup d'autres choses à dire, tellement l'univers du jeu est vaste. J'ai certainement oublié de nombreux éléments, et je m'en excuse par avance. Mon but était de rendre hommage à une saga qui pour moi a eu un impact considérable sur mon identité de joueur, à travers l'impact supplémentaire de Lovecraft, qui devient progressivement de plus en plus important sur nos cultures. J'espère que cet article vous aura plu, car ce fut pour moi un véritable plaisir de vous l'écrire.

A bientôt.

T.G.