mercredi 7 octobre 2020

Ghost of Tsushima : réenvisager le monde ouvert

Bonjour à toutes et à tous, c'est un plaisir dans vous retrouver dans mon cabinet de curiosités pour un nouvel article, qui j'espère, vous plaira ! Mettez-vous à l'aise, prenez une boisson chaude, et merci d'avance pour ces minutes que vous m'accordez. 

Comme le titre vous l'aura indiqué, nous allons parler aujourd'hui de jeu-vidéo mais plus particulièrement de "monde ouvert", à travers un exemple que je trouve très intéressant, celui de Ghost of Tsushima, dernière exclusivité de la Playstation 4, sortie l'été dernier. Cet article ne sera pas un test, mais prendra la forme de quelques pistes de réflexion à propos de cette notion de monde ouvert dans le titre développé par le talentueux studio Sucker Punch. 

Commençons par définir en quelques mots ce qu'est le monde ouvert. Lorsque l'on parle de monde ouvert dans un jeu-vidéo, on a tendance à penser de suite au concept de "liberté", ce qui est loin d'être une coïncidence. Cette notion d'ouverture se fait au niveau du monde, de l'univers dans lequel survient l'action (on pourrait emprunter à la littérature le terme de "diégèse"), mais aussi au niveau du récit. Le joueur peut alors décider de se consacrer pleinement à l'histoire principale ou alors il peut choisir de digresser et s'intéresser à tout ce qui gravite autour de cette histoire principale. On parle alors bien souvent de "quêtes" secondaires ou "d'objectifs secondaires", ce qui pourrait correspondre en littérature à ce que l'on nomme des récits enchâssés, autrement dit la superposition de plusieurs niveaux de récits. On commence à voir ici une distinction entre l'univers et le récit, car la présence du joueur dans l'univers n'implique pas nécessairement que le récit progresse (si par exemple je me promène à cheval dans The Witcher 3, mes actions n'impactent pas la quête principale). 


Mais alors, me direz-vous, quel est donc le lien avec Ghost of Tsushima ? Eh bien c'est en fait très simple. Le titre de Sucker Punch m'a, à bien des égards, énormément surpris ! Le point fort du jeu, selon moi, réside dans sa capacité à faire converger son univers avec son gameplay. Je m'explique. Intéressons d'abord à cette notion de gameplay, qui est difficile à définir... Le gameplay, c'est en fait l'ensemble des mécaniques qui contribuent à l'expérience de jeu. C'est un peu vague, j'en ai conscience, mais chaque jeu dispose d'un gameplay/ensemble de mécaniques qui lui est propre. Il est également possible de nommer cet ensemble une "boucle de gameplay", ce qui fait référence à la manière donc ces mécaniques s'articulent entre elles. Allons un peu plus loin. 


Prenons un exemple, celui de la série Assassin's Creed, plus précisément celui d'Origins, le plus récent auquel j'ai pu jouer. Dans Origins, les forteresses que le joueur peut capturer sont présentes dans l'univers précisément parce qu'elles sont faites pour être prise d'assaut. En d'autres termes, l'univers est au service du gameplay, il répond aux mécaniques et il justifie leur présence. 

Dans Ghost of Tsushima, c'est l'inverse qui se met en place. Les différents lieux à explorer sont placés de manière logique et tangible dans l'univers. On comprend par exemple parfaitement l'emplacement de certains temples, érigés au bord d'une falaise ou au cœur d'une forêt. De plus, le minimalisme de l'interface et l'absence de mini-carte à droite en haut de l'écran forcent le joueur à regarder le monde, à lire les signes qu'il laisse transparaitre. C'est donc ici le gameplay qui rentre au service du monde ouvert, et l'on pourrait même aller jusqu'à parler de convergence entre les deux. J'en veux pour preuve la mécanique de suivre le vent pour se guider. Le vent fait partie de l'univers, de sa cohérence, mais il est aussi un élément de gameplay puisqu'il joue le rôle de boussole pour le joueur. Univers et gameplay convergent et de ce fait renforcent l'implication dans les différents niveaux de récit. 

C'est vraiment là la force de ce monde ouvert, sa capacité à donner envie de se perdre, d'explorer, de s'approprier le décor qui se trouve devant nos yeux. Un monde n'est jamais aussi ouvert que lorsque l'on s'y trouve pleinement, et selon moi Ghost of Tsushima a réussi ce défi. J'espère que d'autres studios s'intéresseront au travail de Sucker Punch pour leurs futurs réalisations, car il y a de très bonnes choses à prendre. 

On ne pouvait pas rêver mieux pour ce chant du cygne de la Playstation 4. Un titre qui conclut la génération mais qui ouvre vers l'avenir. Ce ne sont pas nécessairement les faits qui comptent dans l'histoire, mais les mouvements, les transitions qui ponctuent ces faits. C'est ce que représente Ghost of Tsushima, la transition vers de nouveaux mondes ouverts, une invitation au voyage. 

T.G.