Bonjour à tous ! J'espère que vous vous portez bien, c'est un plaisir de vous retrouver aujourd'hui pour un nouvel article qui vous emmènera dans l'univers du célèbre sorceleur Geralt de Riv. Cet article sera peut-être un peu compliqué à suivre si vous n'êtes pas familier avec l'univers de The Witcher, mais je vais tenter d'être le plus clair possible, en espérant vous apporter quelques éléments de réflexion. Préparez vos potions et vos bombes, et équipez-vous de votre meilleure lame en argent, nous partons à la chasse aux monstres !
Nous profiterons aussi de cet article pour évoquer quelques théories d'adaptation, un champ disciplinaire ayant déjà fait ses preuves dans le domaine de la relation littérature/cinéma. Nous allons ici nous intéresser au lien entre littérature et jeux-vidéo, pour lequel l'aspect théorique est bien moins développé. Ceci est dû, à mon humble avis, au fait qu'une importante majorité de critiques et de théoriciens prennent de la distance vis-à-vis du médium vidéo-ludique, notamment à cause de mauvaise réputation, propagée par les médias pendant ces dernières années. De plus, l'aspect "culture accessible" et la popularité du jeu-vidéo ont largement participé au fait que peu de chercheurs considèrent le jeu-vidéo comme un objet d'étude digne de ce nom. Ceci étant dit, tachons de voir quelles ont-été les stratégies d'adaptation du vaste monde de The Witcher et s'il peut inverser la tendance vis-à-vis de l’intérêt porté au jeu-vidéo.
Les origines de la série
La saga du sorceleur est une série de livres publiés entre 1993 et 2013, écrits par l'écrivain polonais Andrzej Sapkowski. Les différents tomes relates la vie du sorceleur Geralt de Riv, et se placent du côté de la "Dark Fantasy", un monde de fantaisie (et non fantastique) qui aborde des thématiques matures comme le racisme, la politique, les épidémies, ou encore les conséquences de la guerre sur les populations civiles.
C'est dans ce sombre panorama que notre Geralt va tenter de trouver sa place, tout en essayant, non sans mal, d'éviter de s'impliquer et de prendre la moindre décision. En effet, comme il le dit lui-même dans le premier tome, Le dernier vœu : "Le Mal est le Mal, Stregobor, dit gravement le sorceleur en se levant. Petit, grand, moyen, peu importe, ses dimensions ne sont qu'une question de convention, et la frontière entre ces mots n'existe pas. Je ne suis pas un saint ermite, je n'ai pas fait que le bien dans ma vie. Mais à choisir entre deux maux, je préfère ne pas choisir du tout." (Cette citation figure d'ailleurs dans une des bandes annonces du troisième jeu, intitulée "Killing Monsters".)
En résumé, l'enjeu de la saga littéraire sera de voir l'évolution des principes de Geralt, qui sera mêlé contre son grès dans un complot politique qui le dépasse largement. Son destin sera étroitement lié à la petite Ciri, pour qui il incarnera une véritable figure paternelle. Vous l'aurez donc compris, le Geralt du dernier tome n'aura rien à voir avec celui du premier, mais je ne vous en dis pas plus, et vous invite à vous plonger de suite dans cette excellente série littéraire !
Adapter l'univers
Tournons-nous maintenant vers la trilogie vidéo-ludique, développée par le studio polonais CD Project, dont les jeux furent commercialisés entre 2007 et 2015. La particularité des trois jeux est qu'ils choisissent d'adapter, non pas ce qui se passe dans les romans, mais la suite directe des aventures du sorceleur, après les événements du dernier tome. Le premier procédé d'adaptation que nous allons étudier est le choix des développeur de faire de Geralt un personnage amnésique au début du premier jeu.
The Witcher 1 a certes vieilli visuellement, mais il n'a rien perdu de son ambiance. |
Ce procédé a un impact direct sur la cohérence de l'univers fictionnel des aventures du sorceleur. L'amnésie de Geralt s'apparente à la situation du joueur qui découvre un nouvel univers. Aussi, les éléments qui expliquent les mécaniques du jeu sont donc particulièrement bien amenés précisément parce qu'ils permettent aussi à Geralt de redécouvrir ce qu'il a oublié. Joueur et personnage joueur deviennent liés, ce qui augmente considérablement l'investissement du joueur au sein de l'univers dans lequel il interagit. Tachons maintenant d'aller plus loin dans la relation littérature/jeu-vidéo.
Adapter l'écriture: quelques théories d'adaptation
Nous allons pour cette partie nous référer à deux sources. La première est un article rédigé par Fanny Barnabé, qui s'intitule "Que devient la narration lorsqu'elle prend place dans un jeu vidéo ?", et la deuxième est l'introduction de Novel to film: An Introduction to the Theory of Adaptation, écrit par Brian McFarlane. Ce dernier, à la page 29 de son ouvrage, nous dit que l'adaptation d'une oeuvre littéraire au cinéma résulte bien souvent en la perte de la voix narrative, notamment car l'histoire n'est plus "dite", mais "présentée" à l'écran.
Dans le cas de relation littérature/jeu-vidéo, le récit, qui n'est à l'origine qu'une somme de mots/signes, se trouve transféré dans plusieurs niveaux propres au médium vidéo-ludique. Ainsi, l'aspect graphique, la bande son, et le gameplay font partie des mécaniques qui permettent l'existence du récit. Fanny Barnabé nous propose donc une solution: "Pour ne pas occulter la pluridimensionnalité des histoires dans le jeu vidéo, nous proposons la solution suivante : délaisser la notion de récit pour lui préférer celle d'univers fictionnel." L'ensemble des mécaniques liées au jeu-vidéo permettent donc d'ajouter d'autres dimensions au récit littéraire, qui devient alors, pour citer Barnabé, un "univers fictionnel".
Ces considérations sont particulièrement cohérentes avec les jeux The Witcher, notamment car la richesse du récit de Sapkowski se reflète dans tous les niveaux de l'univers du jeu, et non plus seulement dans l'écriture des dialogues ou de l'intrigue. Ce faisant, chaque joueur aura une expérience différente de l'univers, de part son niveau d’interactivité avec celui-ci.
The Witcher 2 a la particularité de proposer deux jeux en un, en fonction des choix du joueur. De plus, son gameplay technique et punitif adapte avec brio l'exigence du combat des sorceleurs. |
The Witcher 3: transcender le récit littéraire originel
S'il y a un jeu qui parvient véritablement à transcender l'univers duquel il est issu, c'est bien le troisième opus de la série, et ce à de multiples égards. Une des principales qualités de The Witcher 3 est sa capacité à gérer son "open-world" (monde ouvert) dans lequel le joueur évolue. Les thématiques adultes que Sapkowski abordent dans sa série de livres se retrouvent toutes retranscrites dans le vaste monde de The Witcher 3. Cependant, le jeu devient plus qu'une simple adaptation. En effet, à travers les différents enjeux du monde et l'impact du joueur sur celui-ci, l'univers fictionnel de The Witcher atteint avec le troisième jeu une nouvelle dimension jamais atteinte dans les livres de Sapkowski.
The Witcher 3, ou la quintessence du jeu-de-rôle. |
La série de jeux parvient donc à se créer sa propre identité et à se démarquer de son creuset originel. Il y a donc d'un coté La saga du sorceleur, indispensable dans la construction de Geralt en tant qu'individu et pour la genèse de son univers, et de l'autre il y a The Witcher qui grâce à l'interactivité qu'offre le médium vidéo-ludique, transcende véritablement le monde créé par Sapkowski. L'adaptation d'une oeuvre ne se résume donc pas tout le temps à une perte, et il semble que le jeu-vidéo, jusque-là délaissé par les critiques, ait bien plus à offrir qu'il n'y parait...
Eh bien voilà ! C'était tout pour aujourd'hui, j'espère que ce petit article vous aura permis d'en apprendre plus sur ce cher Geralt de Riv, et si vous n'avez pas eu l'occasion de vous plonger dans les jeux ou les livres, n'hésitez pas un seul instant ! Merci pour ces quelques minutes que vous m'avez accordées.
T.G.
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